Carnet de tranchée
Dans ces petits carnets, André notait sur le vif son emploi du temps de la journée, de façon très factuelle.
Suis encore abruti par l’horrible catastrophe.
Quelle secousse ! Quel choc ! Depuis une heure longue comme un siècle, nous étions l’objet d’un marmitage en règle (…).
J’étais à mon poste l’écouteur à l’oreille. 21 Dans notre abri précaire, nous discutions pour savoir son degré de solidité et nous n’avions guère confiance. Le tir se précisant et devenant plus intense, je me recommande à Dieu Tout-Puissant. Je cesse la réparation du magnéto et de la sonnerie qu’un maître-pointeur du 2ème Groupe avait portés (…).
En rigolant je mets une caisse de fusées pour canons 58 de tranchées sur mes genoux comme pare-éclats (…). Explosion formidable ; je sens une brûlure sur la figure. Assourdi, je ne vois plus rien. Terre ; éclats ; tout s’écroule.
J’appelle Cohen que je venais d’envoyer porter un pli au colonel ; pas de réponse. J’allais rester au téléphone mais devant ce silence, je veux sortir pour voir Cohen que je crois tué. A ce moment, Rossignol pousse un cri terrible, puis Adieu et meurt.
Cassart ne donne plus signe de vie. Rossignol a la poitrine ouverte ; Cassart a la mâchoire fracassée, la main emportée (…). Les survivants crient (…). C’est horrible. Rossignol est criblé et rend le dernier soupir (…). Camille a sa plus grande blessure à la cuisse ; il demande de suite des nouvelles : et Martin ? Brave Camille ! Quelle énergie (…) ! Camille a eu l’énergie de se traîner jusque devant le colonel ; mon bras gauche me fait mal (…) Crises de larmes.
Longues conversations en famille (…) Divers viennent présenter leur sympathie. C’est comme si nous avions perdu des membres de notre famille.