Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

L’abbaye de Saint-Pons, féministe avant l’heure !

Nous sommes au 13e siècle, en plein cœur de la forêt de Saint-Pons. La vie est rude, les routes peu sûres, la période troublée. Pourtant, une femme décide de fonder sa communauté aux portes de Gémenos. L’abbaye de Saint-Pons va bientôt naître.

Ce 20 avril 1205, c’est jour de Pâques. Une date idéale pour prouver son dévouement à Dieu. C’est ce que fait Dame Garcende qui se retire dans le vallon de Saint-Pons avec pour but de fonder une communauté de moniales. Avec l’accord de l’évêque de Marseille, elle met son projet à exécution sur cette terre qui appartient à l’époque à l’abbaye de Saint-Victor à Marseille, et reçoit en dotation les revenus de plusieurs églises. En 1223, la première abbesse a transformé le petit monastère en abbaye cistercienne, fille de celle du Thoronet.

 

L’ABBAYE DE SAINT-PONS DONNE NAISSANCE À 3 FILLES

Cette communauté de femmes dépend de la règle de Citeaux, érigeant la prière et le travail comme principaux fondements. Très vite, la communauté s’agrandit et avec l’appui de seigneurs de la région, 3 “filles” sont construites pour accueillir les nouvelles venues : l’une à Mollégès, l’autre à l’Almanarre près de Hyères et la dernière à Marseille (Notre-Dame-de-Sion).

Une période prospère pour ces religieuses qui, malgré la rudesse de la vie quotidienne, font de Saint-Pons un centre de production agricole et industriel important, grâce essentiellement à la rivière le Fauge, dont l’énergie hydraulique alimente les moulins. Une embellie qui malheureusement ne durera pas longtemps. Car malgré la protection des Seigneurs (et de Dieu...), les épidémies, les guerres, les brigandages, la concurrence économique et les querelles politiques viendront à bout de la pugnacité des religieuses. Elles ne seront plus que... 2 moniales sur place en 1407.

 

DE GARCENDE À ALBERTAS

Abandonnée en 1426, l’abbaye restera la propriété de l’église jusqu’au 18e siècle, au moment où le marquis Henri Raynaud D’Albertas, célèbre pour ses jardins*, acquiert le domaine de Saint-Pons, l’église et le couvent. De nombreux propriétaires se succèderont jusqu’en 1972, au moment où le domaine de Saint-Pons devient propriété du Département. C’est dans les années 1990 que la collectivité rénove entièrement l’ensemble.
Remarquable par sa beauté, ce bâtiment majestueux, inscrit aux Monuments historiques en 1926, est l’exemple le plus complet de ce que fût un monastère féminin.

Aujourd’hui, même si l’abbaye est fermée, on peut en faire le tour, chercher parmi les pierres de taille les signatures de ses bâtisseurs, découvrir la chapelle Saint-Martin, église paroissiale du premierbourgdeGémenos.Et peut-être qu’en tendant l’oreille, vous entendrez Dame Garcende et ses religieuses psalmodier leurs chants de dévouement à Dieu...

Olivier Gaillard
Pages réalisées avec les Archives départementales

 
BLANCHE DE SIMIANE A LA LÉGENDE TENACE...

Si vous descendez le Fauge, juste après le pont, vous verrez sur le fond des étonnantes boues rouges. L’origine est encore plus étonnante. Par une nuit d’orage, un groupe de chevaliers revenus de croisades et surpris par la pluie, firent halte au monastère de Saint-Pons. L’un des chevaliers reconnut celle qui lui avait été promise quelques années plus tôt, Blanche de Simiane. Sans coup férir, il voulût récupérer celle qu’il crut sa dulcinée. Mais la très pieuse Blanche, mariée à Dieu, s’enfuit et sauta du pont pour échapper à son funeste destin. Depuis des siècles, son sang vermeil encore visible tapisse le fond du ruisseau.

Mais l'histoire de Blanche est concurrencée par celle d'Hildenbrandia rivularis, algue rouge présente dans la source. Elle aussi a longtemps été un mystère, mais sa présence est plutôt bon signe. Habituellement prolifique dans les torrents alpins, elle se développe dans les eaux très pures et cristallines. Ici, l’eau coule de la montagne (1 000 m) et s’infiltre par la roche karstique, agissant comme un filtre particulièrement efficace. Cela tend à prouver que l’eau du Fauge est particulièrement pure. Dans tous les cas, le mystère demeure.

LE PARADOU, DU PAPIER POUR L’ORIENT

Si vous allez visiter le domaine de Saint-Pons, à proximité de l’abbaye, ne manquez surtout pas le site du Paradou. C’est au 17e siècle que le marquis d’Albertas crée une usine de papier grâce aux moulins alimentés par le Fauge. Au nombre de quatre, les moulins équipés de roues à aube, fonctionnaient grâce à 4 chutes d’eau et un ingénieux système de canalisation situé en hauteur. Le papier est fait à base de chiffons récupérés dans la région, donnant lieu à d’âpres négociations tant la concurrence est féroce. À son apogée, l’usine produit près de 1 000 rames par trimestre, vouées pour la plupart à être exportées en Orient. En refusant d’utiliser le bois comme matière première, les propriétaires entérinèrent définitivement sa fin d’usine à papier. Une fabrique de papier à cigarette, une scierie et une briqueterie s’y installèrent ensuite. Dans le cadre d’un chantier d’insertion, l’usine a été restaurée et mise en valeur par le Département.

Grâce au travail des agents du Département, le domaine de Saint-Pons est resté un lieu exceptionnel et chargé d' histoire. Maintenir notre patrimoine, c’est préserver la mémoire et entretenir cette histoire”.

Patrick Ghigonetto,
Conseiller départemental délégué au Patrimoine,
à l’Immobilier et au Patrimoine culturel

Attention : le domaine est ouvert au public mais l’abbaye et le cloître sont fermés à la visite.

 

Accès : le domaine départemental de Saint-Pons est accessible depuis Gémenos en empruntant la D2 en direction de la Sainte-Baume et Plan d'Aups.