Après plus d’un siècle et demi d’arrêt, le moulin de Pallières aux Pennes-Mirabeau vient de rouvrir ses portes. Et depuis peu, il retrouve son activité première : faire de la farine. Et ça marche !
1860, Joseph Bernard Michel, meunier aux Pennes-Mirabeau ferme définitivement la porte du moulin de Pallières. Définitivement ? Non ! 2021, Guy Lagier et son compère Julien Dardennes, remettent en route une mécanique toute neuve et relancent ce monument. Le premier était jardinier, le second est boulanger, mais tous les deux ont une passion pour les moulins et leur histoire. En deux ans, ce projet un peu fou lancé par la municipalité devient concret grâce à l’aide du Département*.
De simple curiosité touristique, le moulin est aujourd’hui au centre de la relance d’une tradition. “Non seulement nous faisons de la farine, mais nous produisons depuis peu notre propre blé sur 4 hectares du côté du plateau des Barnouins, avance Guy, et espérons pouvoir faire tourner le moulin quatre jours par semaine”. Pour garantir une farine bio, le meunier a choisi une semence ancienne : la saissette. Vendue aux particuliers par le biais du syndicat d’initiative, la farine fournit aussi depuis peu une boulangerie bio du village.
Une éolienne moderne
S’il est mû bien entendu par le vent, le moulin des Pennes- Mirabeau a pourtant une autre fonction. “Lorsque le moulin tourne, en plus de moudre le grain, il produit aussi de l’électricité que nous redistribuons. Cela nous permet de travailler même lorsqu’il n’y a pas de vent” se réjouit Guy. C’est pourtant lorsque le “mistrau” s’engouffre dans ses ailes, que cette horlogerie des temps anciens prend vie, comme un cœur qui commence à battre au rythme d’Éole. Ici, on écoute le bois craquer, on entend le vent siffler, on est à l’affût des moindres bruits qui nécessiteraient de réguler la machine. Car si la modernité a fait son entrée dans la tradition, les gestes sont toujours les mêmes qu’avant, la même alchimie entre l’homme, la mécanique et le vent.
Pour Guy, être meunier ne s’improvise pas. “Il faut être vigilants car un moulin c’est dangereux. Il a besoin qu’on s’occupe de lui, qu’on le surveille, qu’on en prenne soin”. Sans doute pour éviter qu’il ne se mette en colère.
Le moulin se visite uniquement sur réservation
Syndicat d’initiative : 04 42 02 55 14
La farine, pas si simple !
L’obtention d’une belle farine n’est pas chose aisée dans un moulin à vent. Avec 100 kilos de blé, on obtient environ 85 kilos de farine. Mais c’est un travail complexe et minutieux. Les grains de blé sont d’abord passés entre deux meules (1,7 tonne chacune pour 1,66 mètre de diamètre). Le réglage de l’écart entre les deux meules est essentiel pour obtenir une farine de qualité. C’est là que le travail du meunier prend tout son sens.
Après avoir été broyés, on obtient une farine dite “intégrale”, c’est-à-dire que le son (l’enveloppe du grain) est encore mélangé à la farine. Elle est ensuite tamisée dans la bluterie (tamis rotatif) afin d’obtenir une farine de type 65 ou 80. Il existe en France 6 types de farine : T45, T55, T65, T80, T110 et T150. Plus le chiffre est grand, moins la farine est raffinée et plus elle contiendra du son, particulièrement efficace pour le transit. Pour être bio, la farine doit être au moins de type 65.
Une si longue histoire
Si le moulin de Pallières est le seul en activité dans toute la région Paca, son histoire est similaire à des centaines d’autres dans le département.
C’est à partir du 11e siècle qu’ils se développent dans les monastères puis dans les différentes seigneuries laïques. Le seigneur, qui a fait construire le moulin, est aussi maître du “ban”. Il exerce un monopole en obligeant la population à faire moudre le grain au moulin seigneurial, moyennant une redevance. Un usage qui sera levé à la Révolution française.
Tout au long du Moyen-Âge, l’usage des moulins se diversifie : moulin à blé, à huile, à bière, à scier, à fer ou à papier. Mais avec le développement de nouvelles énergies issues de l’utilisation du charbon, le moulin se transforme en usine et l’on voit apparaître les minoteries, qui marqueront le territoire jusqu’au milieu du 20e siècle.
Les moulins traditionnels eux, déclinent. Mais il suffit de sillonner les routes provençales pour les voir toujours présents dans le paysage.