Construite au IIe siècle du côté de Fontvieille, la meunerie de Barbegal est le plus grand complexe industriel rural conservé dans le monde méditerranéen romain.
Aujourd’hui, ses vestiges témoignent encore de la qualité exceptionnelle de ce site.
Imaginez 16 moulins en action mus simplement par la force de l’eau, d’une puissance avoisinant la force de 100 chevaux. Et tout ça au III siècle, alors que l’industrie n’est même pas encore naissante ! Imaginez maintenant le bruit fracassant de 32 meules en basalte, broyant des grains de céréales, entraînées par la force de 16 roues à augets, elles- mêmes répondant à la force de l’eau s’écoulant de deux canaux sur une pente à 30 %. Si votre imagination vous porte jusque- là, vous aurez une idée de ce qu’était la meunerie de Barbegal, lieu incroyable pour l’époque dont on peut encore voir les ruines mises à jour par des fouilles successives.
Située à proximité du village de Fontvieille et à 7 kilomètres de la colonie romaine d’Arles, la meunerie de Barbegal a été implantée sur la colline de la Pène, lieu idéal compte tenu de sa déclivité.
DU PAIN POUR LES NAVIRES
Si l’on ne connait pas réellement le propriétaire de cette extraordinaire et très prolifique “usine à grains”, on reste aussi circonspect sur l’utilisation de la farine qui y était produite. Dans un premier temps, les experts ont naturellement imaginé qu’elle alimentait la population de la ville d’Arles, ainsi que les services officiels et administratifs. Sans doute la meunerie a alimenté les boulangeries alentours ne possédant pas de moulin, mais la quantité produite par un complexe sans équivalent dans le monde romain avant le IIIe siècle en excédait largement les besoins.
Une autre hypothèse avance qu’une telle quantité de production aurait répondu à une demande spécifique, et plus particulièrement aux équipages des navires. Avec la proximité des ports du delta du Rhône, d’Arles et de Fossae Marianae (actuel Fos), il est possible que la production d’une telle farine servait à la fabrication du pain de navire (nauticus panis), particulièrement recommandé pour sa longue conservation.
UN AQUEDUC LONG DE 300 METRES
Mais le plus fascinant, c’est surtout l’incroyable ingéniosité du système mécanique. Le site long de 61 mètres et large de 20 mètres possédait un escalier central qui desservait 16 moulins répartis de part et d’autre. L’eau était amenée par un aqueduc long de 300 mètres pour se diviser ensuite en deux canaux de part et d’autre des 16 moulins. Les roues à augets (sorte de godets) étaient alors alimentées par de petites cascades pour ensuite fournir l’énergie nécessaire à la rotation des meules.
Après un siècle d’activité, la meunerie fermera définitivement ses portes au IIIe siècle, laissant derrière elle encore quelques mystères à élucider.
Olivier Gaillard
Pages réalisées avec les Archives départementales et le MDAA
La roue est visible au Château de Montauban de Fontvieille de mai à fin septembre et en dehors cette période uniquement sur réservation de groupes (chateaudemontauban@fontvieille.fr)
UNE PRODUCTION INCERTAINE
Les premières estimations de la production de la meunerie ont donné des chiffres vertigineux : la puissance de chaque roue (soit 6.6Kw) aurait permis de produire 28 tonnes de farine en 24 heures et nourrir ainsi près de 80 000 personnes. Depuis, de nombreuses études ont pondéré ce chiffre, en tenant compte notamment des pertes de temps occasionnées par l’entretien du moulin, l’approvisionnement en grain et les problèmes de main-d’œuvre. In fine, on peut raisonnablement penser que la capacité de production de la meunerie était de 25 tonnes par jour. Cela aurait permis de nourrir plus de 27 500 personnes. Néanmoins, il a été récemment découvert que l’usine ne fonctionnait pas toute l’année, mais seulement quelques mois dans l’année, sans doute par manque d’eau et de besoins.
L’AQUEDUC, VESTIGE ENCORE VISIBLE
La manufacture était alimentée par un aqueduc qui prenait sa source à l’est, sur le versant sud des Alpilles et surplombait le vallon de l’Arc. Dans les années 90, la mise à jour d’un bassin situé 300 mètres en amont de la meunerie permit de découvrir la convergence vers deux canaux : l’un alimentant directement la ville d’Arles (le “pont d’Arles”), et le second, construit un peu plus tard en parallèle du premier, desservait la meunerie (le “pont des moulins”), longs de 325 mètres.
En partie visible encore aujourd’hui, l’aqueduc de Barbegal était à ciel ouvert et sa pente permettait par force gravitationnelle à l’eau de se déverser dans deux autres canaux (ou biefs) et former ainsi des mini-cascades. On estime que le débit de l’eau était de 260 litres par seconde, représentant un volume total de 22 464 m3 par jour.