Dans le massif de Marseilleveyre
L'Escu, précieuse et musicale calanque
Loin des regards indiscrets et des visites irrespectueuses, invisible au bas des hautes falaises, ce repli de la mer sous une grotte ne s'atteint qu'au prix de petits efforts qui décuplent la joie de la découverte...
Si ce n'est pas le bout du monde, ça lui ressemble beaucoup... Concentré poétique, la phrase est inscrite dans le livre d'or de la calanque de Marseilleveyre, où l'on ne se rend qu'à pieds, ou en bateau éventuellement.
Mais là, sous une des plus belles terrasses ombragées qui soient au... monde, n'est pas le but de notre balade. Les délices du petit écrin sablonneux plongeant dans l'eau bleue après les derniers soubresauts terreux du Plan des Cailles, au sortir du large Malvallon peuplé de pins, de chênes, de lierre et de tamaris géants, sont à réserver à la halte rafraîchissante, tant la route restant à accomplir est encore semée de ces sympathiques embûches sans lesquelles le beau massif au bord de mer surplombant les quartiers sud de Marseille n'aurait conquis la célébrité.
Déjà, pour atteindre Marseilleveyre, il aura fallu marcher près d'une heure depuis la calanque habitée de Callelongue, longeant ainsi une côte dentelée au gré cahotant du tracé de l'ancien chemin des douaniers qu'emprunte aujourd'hui un GR.
Au-delà donc de l'espace dévolu au farniente, c'est maintenant une folle curiosité que l'on s'en va dénicher. Une sorte de cache secrète où l'on ne parvient qu'au prix de petits efforts de nature à en dissuader plus d'un des moins téméraires.
D'où la rareté et le calme de l'endroit. Le nom de ce petit bijou ? La calanque de l'Escu.
Contre un énorme éperon rocheux...
Le départ de Callelongue avec son raidillon sous le sémaphore avait été décrassant. Le parcours côtier hallucinant de beauté avec les îles Jarre et Jarron, Plane puis la verticale Riou en travelling. Le débouché sur Marseilleveyre haletant devant la vision soudaine d'une telle merveille. Le second envol vers la destination choisie, L'Escu, réserve encore aux promeneurs quelques somptueux instants. Le sentier par exemple, qui s'élève à dominer la mer pour ne l'embrasser plus que du regard et par petites touches.
Après une sorte de couloir de pins torsadés par le vent, voici la calanque des Queyrons où d'énormes blocs tombés des falaises sont polis par les embruns. Et le chemin paraît repartir à l'assaut des hauteurs, à flanc de paroi. Il s'envole jusqu'à encercler la belle Podestat dont on domine la plage parfois peuplée en contrebas de rares baigneurs.
Au sortir de Podestat, il faut compter quelques centaines de mètres, jusqu'à buter sur un énorme éperon rocheux semblable à la proue d'un bateau.
A main gauche, le GR part dans un long raidillon. A droite, commence le tracé vert que l'on doit emprunter pour achever cette escapade un tantinet acrobatique. Le bonheur sous un toit rocheux...
Voilà qu'on descend vers le rivage
Contre la roche, avant de remonter à main gauche sous la falaise. Ici, une main courante permet de faciliter le passage d'une étroite corniche. Quelques centaines de mètres plus avant, une autre main courante aide à descendre le long d'une petite faille.
C'est plus impressionnant que réellement difficile. Là, de toutes façons, on y est presque. L'Escu, à droite toute, se trouve en effet à quelques autres centaines de mètres, avec sa citerne mystérieuse lovée sous un toit époustouflant formé par l'immense repli de la haute falaise. Une calanque dans une grotte, en somme...
Quant à la citerne, elle donne lieu à de multiples supputations.
La bâtisse est soignée et au bas des escaliers intérieurs qui permettent d'y descendre, on voit encore contre le mallonnage les stigmates de la présence d'eau douce amenée là, autrefois, par une longue canalisation émaillée qui dégoulinait de la falaise.
On attribue la construction de cet édifice à des contrebandiers bien organisés, voire à des pirates, qui repliaient ici leurs embarcations légères à l'abri d'inquiétants récifs interdisant toute approche aux vaisseaux armés. Autre particularité de l'Escu, : sa musicalité !
Sous les efforts conjugués du vent et du ressac, on y entend parfois les accents d'une singulière et grave mélopée. Ces sonorités paraissant produites par un gigantesque instrument incitent plus encore à la contemplation. Mais il faut bien repartir, un peu à l'assaut des falaises, beaucoup au bonheur de retrouver une dernière fois le calme enchanteur de Marseilleveyre avant de rentrer pour de bon...
Paul Teisseire