Les trésors de Lamanon
A l'assaut du télégraphe
Au sommet d'une colline surplombant le village, une plaque rappelle les heures glorieuses d'un singulier mais précieux mode de communication. Autour, une forêt aux mille vestiges. À savourer...
Lamanon, entre Alpilles, Crau et Durance... Un de ces petits villages secrets où dans le temps l'on ne parlait que cultures et brebis. Lamanon de tous les secrets, de toutes les quêtes, de tous les souvenirs flamboyants, de toutes les traces passionnantes...
Nous allons partir aujourd'hui sur celle du télégraphe optique, technique oubliée qui dès les années 1790 permit à la République d'améliorer grandement son système de communication, indispensable outil à l'heure où Prussiens et Autrichiens menaçaient les frontières du pays.
C'est en fait en 1791 que l'ingénieux Claude Chappe avait expérimenté, avec succès rapporte-t-on, un système optique de transmission de messages. Pour un premier essai, la distance choisie était de quinze kilomètres. Minuscule comparé à ce qui allait suivre !
Adopté à l'unanimité par la Convention, le projet allait en effet prendre de l'ampleur.
En mars 1794, une première ligne Paris-Lille est achevée, rapportent les chroniqueurs qui relèvent également les termes d'une dépêche lue à la Convention : "Condé est restitué à la République, la réddition a eu lieu ce matin à 6 heures". Nous sommes alors le 13 Fructidor, an II, soit le 30 juillet 1794. Il faudra cependant attendre les années 1840 pour que le pays soit équipé d'un maillage sérieux faisant de Paris le centre d'une vaste toile d'araignée du nord au sud et d'est en ouest.
Marseille était naturellement au contact, avec une ligne filant sur Lyon et passant entre autres par...
Lamanon, une station en Provence parmi les cinq cents bâties pour relier quelque cinq mille kilomètres de ligne.
Comment fonctionnait ce fameux "télégraphe optique" ? Tout simplement par signaux visuels.
Au faîte d'un mât assez haut était installé un fléau mobile équipé de deux bras également mobiles. L'ensemble était ainsi capable de produire toute une gamme de signes.
Comme un doux et incompréhensible évanouissement
De station en station, ceux-ci étaient observés à la longue-vue par des employés qui les reproduisaient aussitôt vers la station suivante. Aux extrémités, des responsables décryptaient en dernier chef les messages au moyen d'un ouvrage de référence intitulé "Le Vocabulaire". A Lamanon, où le mât était installé au sommet d'une tour, on ne faisait donc que transmettre... De la tour, il ne reste aujourd'hui qu'un maigre vestige. Petit tas de pierre insignifiant s'il n'était posé tout contre une plaque rappelant les heures glorieuses du télégraphe Chappe.
Cependant, le lieu est particulier,extraordinairement particulier. Il domine le cirque de Calès où s'étale un remarquable ensemble troglodyte fort de quelque cent-seize grottes aux formes différentes.
Le site est aujourd'hui partiellement fermé pour raisons de sécurité.Y aller au coeur ne présente, cela dit, pas un intérêt majeur. C'est plutôt le climat alentour qui fascine, étreint, transporte.
Avec ses fragments d'histoire superposés, l'ensemble est en effet troublant.
A voyager, à chalouper dans ces bois à flanc de colline, on ressent en effet comme un picotement, comme un doux évanouissement incompréhensible.
Chapelles jumelles...
Le départ se fait derrière l'église du village. De là, un petit sentier va partir à main droite à l'assaut de la colline, vers la plaque du télégraphe aujourd'hui accompagnée d'une haute et solide vigie ainsi que d'une précieuse table d'orientation. Au-delà,une belle et sérieuse piste s'enfonce dans les bois, plonge vers le val et serpente avant de déboucher, versant nord, sur les chapelles Sainte-Marie et Saint-Jean. L'ensemble laisse le souffle court.
Deux soeurs vouées au culte. Deux structures demeurées là, offrant encore le dessin de leurs absides, les cintres de leurs portes, tant de siècles après leur construction.
Y ont en effet été retrouvées des pièces datant de l'Antiquité, sous la présence romaine.
Le sentier contourne ces belles ruines et repart à main gauche vers la chapelle Saint-Denis, autre curiosité époustouflante.
Construite à l'époque du château médiéval aujourd'hui disparu, elle fut remarquablement restaurée au XVe siècle. Le cirque et les grottes se situent au-dessus. Derrière un petit mur d'enceinte reliant les abrupts des deux collines enserrant ce curieux espace au climat si particulier. La même disposition est d'ailleurs visible de l'autre côté, là où le chemin grimpe hardiment vers les restes du télégraphe.
Quant à l'itinéraire pour s'en retourner par les bois au coeur de Lamanon, il file légèrement à main droite, s'élève à peine dans un bel univers de chênes trapus, frôle une superbe élévation et une grotte extérieure, cavité taillée méthodiquement pour en extraire la pierre qui dans un premier temps servit à l'élévation du château médiéval disparu. Il fait frais dans ce bois qui contraste superbement avec le coeur de Lamanon que l'on atteint bientôt. La balade est courte mais haletante tant elle met de beaux trésors en scène...
Paul Teisseire
PRATIQUE - Comment y aller ?
Le plus simple pour se rendre à Lamanon est d'emprunter l'intersection qui se présente sur la N7, ou route d'Avignon, aux abords de Sénas. On peut également voyager par l'A7, sortie Sénas.