Mallemort : la belle sur la colline
Au coeur d'une plaine agricole fertile, la petite cité du seigneur Pontus de Malamorte, premier consul des comtes de Provence en 1150, exhibe fièrement l'ultime tour de son castel aux vestiges épars.
Il y a la Durance, là, tout près, avec ses eaux parfois bouillonnantes et surtout son vaste lit bleu blanc gris verdâtre. Un autre monde, un ailleurs grouillant de vie, un espace tout juste compréhensible où s'ébat une faune complexe ; grands oiseaux, canards, foulques, rapaces et aussi blaireaux, sangliers, lièvres et encore dans l'eau séparée de filets en mares, des poissons, naturellement...
La Durance descend des montagnes jusqu'à marier le Rhône sans rien perdre de son aspect originel : celui d'un torrent. D'où l'immensité de l'espace qu'elle occupe pour ne l'envahir véritablement qu'une petite et furieuse partie de l'année. Alors gronde-t-elle, exhalant un parfum turbulent, diffusant de ces brumes que les habitants de Mallemort connaissent bien. Elles viennent lentement au matin grignoter la diffuse clarté naissante du village.
Du coup règne l'opacité dans un doux tumulte de bruits cotonneux dont on a du mal à déterminer l'origine. Mallemort est ainsi sous le charme de sa rivière. De l'autre côté, les derniers contreforts du Lubéron abritent cette petite contrée aux confins méconnus des Bouches-du-Rhône. Traverser le cours d'eau pour se rendre vers ces élévations fut longtemps chose ardue. Il fallait choisir son chemin, incertain, bref prendre des risques. Jusqu'à ce qu'un bel ouvrage, un pont suspendu aujourd'hui inscrit au répertoire des monuments historiques, permette de passer sans dommage d'une rive à l'autre. Il fut construit sous Louis-Philippe.
Monumental avec ses longs filins de fer, ses piliers haut perchés et son cheminement à traverses de bois, l'outil de communication est effectivement de toute beauté. Fermé pour l'instant à toute fréquentation, peut-être le vieil édifice retrouvera-t-il un jour son lustre d'antan pour le bonheur des piétons qui pourront ainsi approcher en toute quiétude la fière et riche rivière de près.
Fouiller, fureter du regard
Nous voilà donc à Mallemort, beau village perché sur une colline isolée, inespérée au milieu d'une vaste plaine alluviale devenue par sa fertilité le berceau de l'agriculture de notre région. Vignes, oliveraies, vergers, espaces protégés par de sombres haies de cyprès dessinent le paysage alentour. À le franchir on parvient directement au coeur du village, par la fière rue qui s'en va buter contre l'église Saint-Michel, au centre historique de la petite cité.
Et c'est là, précisément, qu'il faut ruser, fouiller, fureter du regard, pour en découvrir les trésors. Le mieux, finalement c'est de grimper au plus haut ou presque de la colline, près du cimetière, au bout de la rue du Cosmonaute, et de commencer ici la visite, précisément par la rue du Cosmonaute. En point de mire, déjà, une jolie bastide à la façade marquée par un cadran solaire. Nous voilà curieusement en route, les yeux aiguisés, à toujours scruter partout pour ne rien perdre du charme de ces vieilles pierres. On croise la rue Raymond-Julian. Puis, à peine plus loin, celle dite des frères Arrue qui à main gauche tombe sur la place de l'église. À droite, la rue s'enfuit vers les balcons de la Durance tout en longeant de grands pans de murs de l'ancien château ; étonnant vestiges qui créent de fait un climat particulier.
Une table d'orientation...
Rue Bellevue maintenant... La Durance est en contrebas à montrer ses eaux courroucées venues du fin fond des Alpes. Pour monter au sommet du promontoire et retrouver ce qui reste des anciennes fortifications, une tour en fait, il faut demeurer à gauche et grimper encore un peu. Un ultime raidillon, une chicane, et voici la tour avec, à ses pieds, une table d'orientation dont la lecture éclaire sur la situation géographique de ce petit village pas comme les autres. Il est bon de méditer un peu là-haut, à regarder ces pierres taillées assemblées vers le ciel. Rassasié du spectacle, il est maintenant temps de rede-scendre, en franchissant cette fois la petite porte de pierre sous laquelle passaient les hommes d'armes, autrefois.
On aperçoit déjà le clocher de l'église que l'on va bientôt frôler. À l'arrière du bâtiment religieux démarre la rue Reboul. Elle file direct vers la plaine, saluant les dernières belles maisons du village. Remarquables portes, vieilles remises renfermant encore combien de secrets, charme discret de l'impasse Marceau avec ses recoins silencieux. Vient la claire rue Saint-Michel, à arpenter à main gauche jusqu'à croiser la rue Anselme Burles qui remonte vers l'église, face à l'ancienne mairie qui se contourne par une ruelle étonnante qui porte son nom. Rue de la Mairie dit-on en effet, avec ses escaliers et son modèle réduit, cette petite traverse retombe non loin de la rue du Cosmonaute et offre de la sorte au visiteur une ultime galipette...
PRATIQUE - Comment y aller ?
Rien de plus facile que de rallier Mallemort. Il suffit d'emprunter la Nationale 7 direction Avignon. À peu de kilomètres du grand axe routier, le village est situé entre Lambesc-Pont-Royal et Sénas.