Sur le chemin des chèvres
Derrière un bel amoncellement de vieilles maisons, le vallon de Freyguières propose une ascension typique vers le pic de l'Etoile. Et souvent, on y croise un joli troupeau de caprins...
Au nord de Marseille, sur la Nationale 8, il y a Septèmes-les-Vallons, commune ébouriffée comme l'herbe des collines. Dans cette broussaille villageoise s'égayent plusieurs lieux d'habitations, des hameaux comme on disait autrefois.
C'est depuis l'un d'eux, celui des Vieux Caillols, qu'en ce printemps tardif part notre aventure.
Voilà donc la Nationale étirée de Septèmes aux Caillols en ligne droite. Le hameau se découvre par une petite route que l'on emprunte à droite dans le grand virage juste avant le stade.
Il y a là des maisons tassées les unes contre les autres et tout juste après deux voies distinctes.
Celle de gauche paraît s'envoler au-delà des pinèdes, protégée qu'elle est des intrus par des plots rébarbatifs.C'est la "Route de la télévision" qui permet aux techniciens d'accéder au fameux relais de l'Etoile sans lequel Marseille ne recevrait distinctement aucune image.
L'autre route, celle de droite, plonge par contre dans un vallon arboré. Nous sommesà Freyguières. Et les chèvres ne sont pas loin. Pas plus loin que le chemin qu'elles empruntent et qui permet lui aussi, mais de façon plus poétique, de se hisser là-haut, contre les belles barres rocheuses qui semblent protéger les hautes antennes du relais.
Les sabots forgés dans la pierraille
Les chèvres... Elles sont d'ici,du moins du Rove, fière race connue dans le monde entier après que des générations et des générations eussent forgé leurs sabots dans la pierraille et la farouche garrigue des collines.
On les reconnaît à leurs cornes élancées, un rien torsadées,à leur crin fauve et à leur regard malicieux. Leur maître s'appelle Guy Chauvelot. Avec leur complicité, il fabrique un de ces fromages dont on parle encore dix ans après l'avoir dégusté.
Alors, au fait, leur piste ? Eh bien c'est simple... Au bout de Freyguières, le chemin fait une fourche. A main gauche, un rien plus haut, est installé le chevrier.Au milieu, une voie privée conduit à une imposante bâtisse. A droite,en élévation à flanc de colline, s'élance le chemin des chèvres.
Dès le départ, on reconnaît le particularisme de la chaîne de l'Etoile. Végétation sèche et oasis de verdure qui se côtoient par le mystère des résurgences d'eau.
De part et d'autre de la piste, ce ne sont que robustes chênes kermès, beaux chênes verts, argelas bientôt en fleurs qui viendront clairsemer la colline de jaune explosé, cistes cotonneux aux branches comme torsadées de douleur, petits pins ratatinés par les vents, élégants asparagus cachés dans quelque recoin de garrigue, enivrant thyms, élancés romarins et fiers cades étirés par groupes inégaux,de loin en loin.
Comment s'y retrouver ?
Quelques mauvaises langues diraient "suivez les crottes de bique". Pas la peine! Il suffit de bien garder le cap sur la piste et demeurer sur ce qui ressemble à une arête, sans descendre ni monter sur la droite.
Petit sentier qui se faufile...
C'est ainsi que successivement la balade offre quelques-uns parmi les plus curieux des tableaux de l'au-delà des collines. Il est loin le hameau quand on passe dans une sorte de couloir de verdure. Et tout près la pierre et la furieuse végétation se chamaillent à même le sol.
Voilà, à main droite, la ruine d'un cabanon fait de tout et de rien. La piste le quitte et l'élance plus loin encore.
Dans un univers éparpillé de longs arbres morts de vieillesse et de fatigue, elle croise un, puis deux postes de chasse oubliés. Elle délaisse sur sa gauche deux autres pistes partant en plongée dans un vallon secret. Elle oublie sur sa droite un large chemin qui monte vers les abords d'une vigie visible d'ici.
Et peu après, elle chaloupe à main gauche pour descendre dans la fraîcheur d'un joli petit bois. Voilà le fond du vallon, voilà la renaissance de cette promenade à sentir et à dévorer du regard dans ses moindres détails. Là, dans un grand virage, c'est cette fois un petit sentier qui redémarre à main droite. On le reconnaît à l'herbe verte qui borde ses flancs et aussi à sa discrétion à se faufiler dans une végétation qui le tolère tout juste.
Il méandre, il oscille et il monte patiemment pour s'en aller déboucher là-haut,à une brassée de pas des antennes. De cette élévation, les belvédères ne manquent pas.
Là, sur Marseille alanguie au soleil. Là, vers le Garlandage, là, vers l'Etang de Berre et le Luberon et ici encore,vers les montagnes au Nord.
De quoi se remplir la tête avant de dégringoler sur le chemin du retour pour de parfumées retrouvailles avec les chèvres...
Paul Teisseire
PRATIQUE - Comment y aller ?
Septèmes-les-Vallons se trouve sur la Nationale 8, à la sortie de Marseille.Pour repérer les Caillols, il est préférable de se positionner par rapport à la place de la mairie. Il suffit alors d'effectuer environ un kilomètre en direction d'Aix pour trouver le virage et la petite route qui conduit au hameau, puis à Freyguières.