Sous la montagne, le village qui n'a pas perdu la mémoire
On y vient pour l'ambiance particulière faite de grandioses souvenirs et d'incomparables spectacles. On y part en forêt à la découverte de vallons et sommets. A chacun de choisir !
Un monumental rocher baptisé la tête du Marquis... Le château de Picasso... Deux symboles pour un lieu loin dans le dédale naturel du département, au carrefour de drôles de montagnes et dans les frais replis des vallons.
D'abord Luc de Clapiers, Marquis de Vauvenargues, y vécut ses derniers jours, en 1747, après une carrière littéraire trop vite interrompue par une mort due aux séquelles d'une blessure de guerre. Ami de Voltaire, ce jeune homme d'une modeste famille noble aixoise, respecté pour sa noblesse de coeur et son courage, aura marqué ses contemporains par la justesse de ses cinglantes analyses du comportement humain, telles "les hommes ont de grandes prétentions et de petits projets" ou encore "on promet beaucoup pour se dispenser de donner peu"... Pablo Picasso, créateur génial et acharné, père du cubisme, acheta en 1958 le superbe château qui, par le passé, avait été tour à tour propriété d'Hugues des Baux qui en fit don au Roy René avant qu'il ne devînt l'un des nombreux biens des puissants Comtes de Provence
Dans le silence d'une zone forestière exceptionnelle
C'est donc dans les veines même de l'histoire que, au-delà de sa situation géographique exceptionnelle, le petit village de Vauvenargues puise sa relative renommée. Relative car cet espace enchanteur radicalement à part, situé entre les replis nord de Sainte-Victoire et la montagne des Ubacs, dans le silence d'une zone forestière exceptionnelle à cheval sur les Bouches-du-Rhône et le Var, n'est pas plus connu que cela. C'est qu'il est difficile d'imaginer qu'il existe encore de tels paradis, aussi isolés, aussi paisibles. Tenez, allons constater... La petite route qui relie Aix à Jouques passe allègrement au-dessus des maisons, sans gêne pour quiconque. Et il faut descendre à pas tranquilles pour s'en aller à la rencontre des ruelles. Tout de suite une rue principale bordée d'un bistro à l'accueillante terrasse...
De part et d'autre, impasses et passages piétons dégoulinant d'un sommaire dédale enlacé autour de vieilles bâtisses bien rénovées, à l'image d'une intéressante église du XVIe siècle sur la base d'une partie romane datée du Ve... Puis la mini place Léon Gambetta enchantée par la musique cristalline de sa fontaine... Et, plus loin, l'incontournable "Cercle" cher aux vieux provençaux... Celui-ci s'appelle "Cercle de l'union". Ainsi, le village s'étire-t-il mollement jusqu'aux aires de stationnement en contrebas. C'est vers là-bas d'ailleurs, sous la masse imposante du château, que démarre un sentier ravissant.
Typiques senteurs
L'avantage de cet itinéraire c'est que l'on peut l'utiliser à la carte. Soit on le pousse jusqu'à son aboutissement, c'est-à-dire au sommet de Sainte-Victoire, soit on se contente de flâner en profitant de charmants vallons emmitouflés dans la végétation au pied de l'immense vague rocheuse. Au départ, dès après le parking, une piste tracée de jaune descend d'entre deux champs en friche.
Elle oscille à main droite et bute sur une barrière DFCI. C'est à partir d'ici que se cabre l'itinéraire coquin. Marqué de vert, il saute en effet tout de suite à flanc de colline, surplombant un petit temps la station de retraitement des eaux. Le val est étroit, l'ambiance forestière chaleureuse, les senteurs typiques d'un mélange méditerranéen incomparable, fait de pins, de chênes et de plantes aromatiques.
Et pourquoi pas le point culminant...
Une première crête s'atteint rapidement après le passage agréable des abords de quelques murets séculaires. Puis l'escapade plonge tendrement dans un petit val jalonné de champs, certains hérissés d'herbes folles, d'autres cultivés en "manges" pour nourrir le gibier. De l'autre côté de cet espace propice aux jeux d'enfants, au pique-nique et à la sieste, l'itinéraire tracé de vert s'en va à l'assaut de la montagne. Alors il en fera des sauts, avant d'atteindre le Baou. des Vespres, point culminant à 1011 mètres d'altitude. Il lui faudra d'abord passer par la luxuriante forêt du vallon du Déluge. Puis sauter de mamelon en mamelon dans le spectacle sans cesse changeant d'une végétation de plus en plus rase.
Et enfin gravir l'haleine courte les derniers escarpements qui séparent la banale promenade de l'achèvement certes haletant mais ô combien régénérant de cette ascension toute en nuances. La descente en contrechamps procurera les mêmes plaisirs, avec en prime des vues que l'on a du mal à décrire tant elles sont multiples, étonnantes, passionnantes si l'on prend la peine de scruter intensément le détail des collines, des petites montagnes, des curieuses élévations rocheuses alentour. Et puis le retour... Chaleureux dans un Vauvenargues sommeillant déjà au soleil tombant. Allez ! Il est temps d'aller prendre un rafraîchissement au Cercle...
Paul Teisseire
PRATIQUE - Comment Y aller ?
On peut se rendre à Vauvenargues par le village de Jouques, au nord du département, à peine à l'écart de la départementale judicieusement surnommée la "route des Alpes". Sortant de Jouques, c'est donc sur la droite. Sinon, il faut emprunter le boulevard extérieur d'Aix-en-Provence et bifurquer à droite, direction Vauvenargues naturellement, après les Arts et Métiers.