Tradicien dou gros soupa prouvencau (La Tradition du Gros Souper Provençal)

Notre rubrique dédiée au dialecte provençal met en lumière l’enseignement de cette langue régionale auprès des jeunes générations et de leurs aînés, partout dans le département. Retrouvez sur notre site internet une version audio, sa traduction intégrale en graphie classique et en langue française, ainsi que des mots-clefs et des vidéos illustrant d’autres thèmes de l’apprentissage du provençal.

Texte en Provençal suivi de sa traduction française

Lou gros soupa es lou soupa prouvençau que marco la vihado calendalo. Es de lun lou que comto lou mai dins l’annado en Prouvènço. Vaquito leis endico que tant vous ajudaran pèr vous regala, tout simplamen, de l’alestimen de la taulo ei 13 dessèr, en passant pèr lei tian tradiciounau !

Se vias un pau la tradicien de pròchi, la taulo es messo emé trei touaio blanco ramentant la Ternita, pauvado leis uno sus leis autro, em’au mitan, un candelié dei trei candeloun, rapresentant lei trei las dóu tèms : lou passat (remembranço de nouèstei mouart), lou presènt (fidelita eis ami emai ei parènt), lou futur (esperanço dei pichoun que van naisse). Li metèn tambèn dessuto lei tres escudello dóu blad samena lou 4 de desèmbre. Touei lei tian soun sarvi tant qu’es poussible sus la taulo à la debuto dóu gros soupa, coumo peréu lei dessèr, sènso óublida la sieto dóu paure, em’aquéstou biais noble de parteja e freireja.

Lou gros soupa es un soupa maigre valènt-à-dire sènso carno, que de coustumo si li manjo sèt tian. Acò laisso dounc touto sa plaço en mant-un biais de marida lei sabour emé de liéume coumo lei cardoun, leis espinarc, l’àpi, lei cachofle, souvèntei-fes acoumpagna d’uno anchouiado, que si li pouedon apoundre la meleto deis espinarc, lei cacalauso, lou pèis (subretout la marlusso que si fa en raito), la daubo de póupre, la poutargo, lei couquihàgi...

Lou gros soupa s’acabo emé lei 13 dessèr que lei Prouvençau si lei manjavon en generau en s’entournant de la messo de miejo-nue. Se la tradicien dei dessèr pèr Nouvè es anciano, la chifro justo e justo de trege (remandant ei douge Apouesto emai Jèsus) es pas tant vièio qu’acò e ramountarié à la debuto dóu siècle XXe, inmourtalisado dins l’obro de Marcèu Pagnol. Mai au just, qu si lagnarié que n’en l’aguèsse trege de dessèr, uno chifro qu’es pouerto-bouenur au nouestre, en mai d’èstre lou simbole de noueste despartamen, que ?

Jan-Miquèu Turc
Proufessour certifica de lingo prouvençalo
Majourau dóu Felibrige

Coumo que vague, gardas en tèsto que n’en l’a vue que si pòu pas manca d’agué e cinq àutrei que chausissès coumo vous agrado : la poumpo à l’òli d’óulivo de Prouvènço (la mai tradiciounalo) vo la fouaço vo lou gibassié, lou nougat negre e nougat blanc (l’or negre e blanc en barro de la Prouvènço en fèsto), lei quatre mendicant rapresentant leis ordre religious aguènt fa vot de paureta, es-à-dire lei noueio e leis avelano (pèr leis Agustin), leis amelo (pèr lei Carme), la passariho (pèr lei Doumenican), lei figo seco (pèr lei Franciscan).

Puei, poudès acaba la tiero en prenènt segound vouèsteis abitudo e voueste goust : de pasto de coudoun, de dàti, de prunèu, de (meloun) verdau, de mandarino, de clementino, d’aràngi, de poumo, de pero, de rasin fres, de banano, d’ananas, de lichi, de calissoun, de marsihoto, de papihoto...

Lou tout sarvi em’un bouon vin dous, cue la màji-part dóu tèms, mai es pas fourça.

Va sabias acò ?

" A l’an que vèn ", expression encore utilisée aujourd’hui en fin d’année un peu partout en Provence, vient de la phrase sacramentelle du "cacho-fue", une tradition de Noël qui marquait le début du gros souper le 24 décembre. Le plus ancien et le plus jeune de la famille faisaient trois fois le tour de la table de Noe?l en tenant à la main l’extre?mite? d’une bu?che, d’un arbre fruitier le plus souvent. C’est en la mettant dans la chemine?e que le plus ancien disait, tout en l'arrosant trois fois de vin cuit : " Bûche de Noël, Enflamme-toi ! Allégresse ! Allégresse ! Mes beaux enfants... Que Dieu nous donne l’allégresse ! Noël arrive, tout s’annonce bien ! Que Dieu nous fasse la grâce de voir l'an prochain ! Et si nous ne sommes pas davantage, que nous soyons pas moins ! "

Lou blad de Santo-Barbo, qu'es acò ?

Es tout simple. Es lou blad (vo meme lei lentiho) que si sameno lou 4 de desèmbre, jour de Santo Barbo, sus d’un pichot lié de coutoun pauva dins tres escudello (ramentant la Trenita) que fau aseiga vint jour de tèms. Lou 24, toumbo lou verdi : se lei blad soun aut, bèu emai verd, lei meissoun de l’an que vèn saran bouono ! Au contro, se lei blad soun tout estransina e que jaunejon, la recouerdo sara marrido... Se lei famiho vuei li penson plus talamen ei meissoun, n’en gardon pamens l’idèio de la prousperita e va bèn coumo acò, bord qu’es parié. D’aquito lou prouvèrbi : “Quand lou blad vèn bèn, tout bèn vèn !”

Le gros souper est le repas provençal qui marque la veillée de Noël. C’est de loin le repas le plus important de l’année en Provence. Voici quelques indications pour vous aider à en profiter, simplement, depuis la préparation de la table aux 13 desserts, en passant par les plats traditionnels !

La table de Noël

En suivant un peu la tradition d’autrefois, la table est dressée avec trois nappes blanches superposées, symbolisant la Trinité. Au centre, un chandelier à trois bougies représente les trois dimensions du temps : le passé (en mémoire de nos défunts), le présent (fidélité envers nos amis et nos proches), et l’avenir (espoir pour les enfants à naître). On y place également les trois coupelles de blé semé le 4 décembre. Tous les plats sont disposés sur la table dès le début du gros souper, ainsi que les desserts, sans oublier l’assiette du pauvre, en signe de partage et de fraternité.

Les plats traditionnels

Le gros souper est un repas maigre, c’est-à-dire sans viande, qui comporte traditionnellement sept plats (ou « tians »). Cela laisse une grande place à des associations de saveurs avec des légumes comme les cardons, les épinards, le céleri, ou les artichauts, souvent accompagnés d’une anchoïade. On peut aussi y ajouter l’omelette aux épinards, les escargots, le poisson (surtout la morue en sauce), la daube de poulpe, la poutargue, ou encore des coquillages.

Les 13 desserts

Le gros souper se termine avec les 13 desserts, que les Provençaux dégustaient généralement après la messe de minuit. Bien que la tradition des desserts de Noël soit ancienne, le chiffre exact de treize (représentant les douze apôtres et Jésus) est plus récent et remonterait au début du XXᵉ siècle, immortalisé dans l’œuvre de Marcel Pagnol. Et qui pourrait se plaindre d’avoir treize desserts, un chiffre qui porte bonheur chez nous, en plus de symboliser notre département ?

Parmi ces desserts, certains sont incontournables :

  • La pompe à l’huile (ou fougasse), la plus traditionnelle.
  • Les nougats noir et blanc, symbolisant les « ors » de la Provence festive.
  • Les quatre mendiants, représentant les ordres religieux ayant fait vœu de pauvreté :
    • Les noix et noisettes (pour les Augustins).
    • Les amandes (pour les Carmes).
    • Les raisins secs (pour les Dominicains).
    • Les figues sèches (pour les Franciscains).

Vous pouvez compléter la liste selon vos habitudes et vos goûts : pâte de coing, dattes, pruneaux, melon vert, mandarines, clémentines, oranges, pommes, poires, raisins frais, bananes, ananas, litchis, calissons, et autres confiseries locales comme la marsihote ou la papillote. Le tout est souvent servi avec un bon vin doux, bien que cela ne soit pas obligatoire.

Un moment de partage et de traditions

Le gros souper provençal, avec ses plats simples et ses desserts généreux, est un moment de convivialité qui met à l’honneur les valeurs de partage, de mémoire et de tradition. À table, on célèbre l’histoire, les saveurs et la richesse culturelle de la Provence. Bon appétit et joyeuses fêtes !

Jean-Michel TURC
Professeur certifié de langue provençale
(Académie d'Aix-Marseille)

Le saviez-vous ?

" A l’an que vèn ", expression encore utilisée aujourd’hui en fin d’année un peu partout en Provence, vient de la phrase sacramentelle du "cacho-fue", une tradition de Noël qui marquait le début du gros souper le 24 décembre. Le plus ancien et le plus jeune de la famille faisaient trois fois le tour de la table de Noe?l en tenant à la main l’extre?mite? d’une bu?che, d’un arbre fruitier le plus souvent. C’est en la mettant dans la chemine?e que le plus ancien disait, tout en l'arrosant trois fois de vin cuit : " Bûche de Noël, Enflamme-toi ! Allégresse ! Allégresse ! Mes beaux enfants... Que Dieu nous donne l’allégresse ! Noël arrive, tout s’annonce bien ! Que Dieu nous fasse la grâce de voir l'an prochain ! Et si nous ne sommes pas davantage, que nous soyons pas moins ! "

Qu'est-ce que le blé de la Sainte-Barbe ?

C’est tout simplement le blé (ou par extension les lentilles) que l’on sème le 4 dècembre, jour de la Sainte Barbe, sur un petit lit de cotton disposé dans trois coupelles (rappel de la Trinité) et qu’il faut arroser pendant vingt jours. Le 24, tombe le verdict : si les blés sont hauts, beaux et verts, la moisson de l'anne?e suivante sera bonne ! Si au contraire, les blés sont tout ratatinés et jaunâtres, la récolte sera mauvaise... Si aujourd'hui les familles ne pensent plus vraiment a? la moisson, elles n’en gardent pas moins l’idée de la prospe?rite? et c'est tre?s bien, cela revient au me?me. D’où le proverbe : "Quand le blé pousse bien, tout s’annonce bien !"